Aujourd’hui, dans la quête de l’énergie de demain, l’hydrogène interroge beaucoup quant à ses performances écologique, économique et énergétique. Dans la recherche de certitudes, voici ce qu’il en est des initiatives et expérimentations en France. 

Contexte

Le 9 septembre 2020, les ministres de la transition écologique et de l’économie, Barbara Pompili et Bruno Le Maire, ont présenté un plan Hydrogène, visant l’accompagnement de l’innovation et les développements industriels basés sur l’hydrogène décarboné, afin de faire de l’hydrogène un pilier de la transition énergétique. D’ici 2030, environ 7,2 milliards d’euros y seront consacrés, dont 2 milliards d’ici 2022.

La décarbonation de l’industrie et la production d’hydrogène sont priorisées dans ce plan de relance, suivis des sujets de mobilité professionnelle et de R&D.

A l’heure actuelle, 4% de la production mondiale d’hydrogène sont issus de l’électrolyse de l’eau, soit une énergie décarbonée, alors que 96% proviennent d’énergies fossiles carbonées. Plus de 900 000 tonnes d’hydrogène gris sont produites en France, représentant une émission de CO2 de 13,5 millions de tonnes.  

«L’enjeu pour le secteur industriel et le secteur de la mobilité est de décarboner l’hydrogène, c’est-à-dire de transformer l’hydrogène gris en hydrogène bas carbone», selon Carine Sebi.

Le plan Hydrogène a pour but de développer massivement l’hydrogène (H2) vert, afin de le substituer à l’hydrogène gris et au pétrole. Même si l’enjeu est principalement environnemental (l’hydrogène permettrait de décarboner nos industries et nos transports, et de réduire notre dépendance aux hydrocarbures), on retrouve aussi des enjeux économiques avec la possibilité de créer une filière industrielle et de nombreux emplois, mais aussi des enjeux technologiques autour du stockage.

Quels sont les différents types d’hydrogène ?

La production d’hydrogène (H2) est déjà très présente dans les industries, mais provient d’énergies fossiles (charbon, pétrole, méthane) carbonées et polluantes. Les procédés se font par vaporeformage, pyrogazéification, thermolyse, ou vapocraquage, et fonctionnent de la manière suivante :

Fonctionnement de l'hydrogène

L’hydrogène issu de cette chaîne de production est appelé hydrogène gris. L’hydrogène bleu est quant à lui produit à partir d’énergies fossiles, d’énergies bas carbone, mais aussi d’énergies renouvelables.

Enfin, la production d’hydrogène vert provient principalement de l’électrolyse de l’eau (schéma ci-à-côté), directement liée à une source d’énergie renouvelable, permettant de stocker les excédents de production sous forme de gaz et de pallier les problèmes d’intermittence des énergies renouvelables. La combustion d’hydrogène ne dégage que de l’eau et permet donc de réduire les émissions de CO2.

La production d’hydrogène vert est un véritable enjeu dans le contexte mondial de transition énergétique avec la diminution de l’empreinte carbone . Malheureusement, les recherches basées sur la décomposition thermique de l’eau dans des réacteurs nucléaires à haute température sont peu concluantes pour une production verte économique, ou une utilisation publique simple de l’hydrogène.

L’hydrogène, un carburant d’avenir ?

L’hydrogène possède de nombreux avantages qui peuvent se positionner comme des alternatives aux carburants actuels. En effet, l’hydrogène est une ressource presque infiniment stockable et utilisable à la demande (dans des réservoirs, des batteries, dans des cavités salines en sous-sol pour un stockage massif). La technologie de stockage pourrait être une alternative intéressante pour le secteurs des EnR pour pallier aux situations de pénuries ou d’excédents d’énergie.

L’hydrogène vert pourrait être l’alternative idéale à l’utilisation de l’électricité dans le secteur du transport, car il répond aux exigences d’autonomie :

Véhicule hydrogène vs véhicule électrique

Disposer d’un avion à hydrogène d’ici 2035, dans le cadre d’un plan de soutien de 15 milliards d’euros engagé par le gouvernement est considéré comme un objectif ambitieux, mais faisable par les différents avionneurs, tels que Safran, Airbus ou Gifas.

Se posent alors les difficultés à répondre aux exigences de performance économique (coûts de fabrication de l’hydrogène) et d’efficacité écologique (Hydrogène vert).

Pour sa part, l’Allemagne a investi plus de 7 milliards d’euros dans l’hydrogène verte afin d’effectuer sa transition énergétique décarbonée, notamment dans les transports. Se positionnant en leader sur la technologie de l’hydrogène vert, elle investit dans la création de nouveaux produits et services autour de l’hydrogène (Trains à hydrogène d’Alstrom, électrolyseurs, dispositifs de stockage)

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Quelle est la place de l’hydrogène en France ?

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2018

Le projet Jupiter 1000, premier démonstrateur de Power to Gas, basé sur l’électrolyse utilisant les excédents d’énergie électrique renouvelable, a été mis en service par GRTgaz.

Le but de ce démonstrateur, d’1 MW de puissance, est de convertir et stocker sous forme de gaz l’électricité produite via des EnR. L’hydrogène créé par électrolyse est couplé à du CO2 issu de fumées industrielles afin d’obtenir du méthane, gaz neutre en carbone, et est réinjecté au réseau de gaz.

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2021

Lancement de la centrale électrique CEOG en Guyane.  Innovante grâce à sa technologie multi-MW basée sur un parc solaire photovoltaïque, sa production d’électricité est non polluante et fiable. CEOG peut stocker massivement les EnR grâce à l’hydrogène dans des bouteilles de gaz. Les coûts de production sont compétitifs, ainsi que sa capacité à alimenter plus de 10 000 foyers de manière continue. L’électricité produite se fait sans bruit ni émission de CO2, et la centrale ne consomme que l’énergie solaire et de la vapeur d’eau. La production d’électricité sera de 10 MW entre 8h et 20h, et de 3 MW entre 20h et 8h.

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2023

Lancement du projet portant sur le « développement et l’amélioration des composants et systèmes liés à la production et au transport d’hydrogène, ainsi qu’à ses usages tels que les applications de transport ou de fourniture d’énergie ». 350 millions d’euros y sont alloués.

Un autre projet, lancé par l’ADEME, portera sur les « hub territoriaux d’hydrogène » et déploiera des écosystèmes territoriaux de grande envergure regroupant différents usages liés à l’industrie et la mobilité. Ce projet bénéficiera de 275 millions d’euros, dont 150 millions d’euros pour 2021.

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2030

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, a annoncé vouloir mettre en place une filière compétitive de portée internationale, avec un objectif d’installation d’une production d’électrolyseurs de 6,5 GW d’ici 2030.

Par ailleurs, l’Afhypac (Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible), estime la production d’hydrogène vert à 700 000 tonnes d’ici 2030 en France. La moitié serait ainsi utilisée par l’industrie, et l’autre par la mobilité et les transports. En effet, l’Afhypac prévoit environ 300 000 véhicules utilitaires et taxis, 5000 poids-lourds et bus, 250 trains et 1000 bateaux à hydrogène d’ici 2030. Cette ligne de conduite permettrait de réduire les émissions de CO2 de 4 millions de tonnes en 2030, et d’éviter l’émission de 20 millions de tonnes entre 2020 et 2030. Cela permettrait aussi de créer entre 120 000 et 250 000 emplois en France.

D’autres projets d’hydrogène vert ont été développés en France, notamment :

  • En Provence, HyGreen base sa production sur l’énergie solaire
  • En Vendée, Lhyfe base sa production sur de l’éolien offshore, pour une production annuelle d’hydrogène vert de 110 tonnes.
  • En Bourgogne, Energhy base sa production annuelle de 182 tonnes sur la combustion des déchets.

Quels sont les défis que l’hydrogène doit relever  ?

A l’heure actuelle, les prix de l’hydrogène sont trop élevés pour être compétitifs avec ceux du pétrole, L’hydrogène vert coûte entre 4€ et 5€ le kg, contre 2€ pour l’hydrogène gris. La stratégie gouvernementale du plan hydrogène est de « de favoriser un passage rapide à l’échelle industrielle pour permettre une baisse significative des coûts de production. ».

Il est nécessaire d’encourager les recherches visant à améliorer le rendement de la production d’énergie (actuellement des pertes allant jusqu’à 60 %) , et notamment celles de l’électrolyte solide.

Un autre défi, et non des moindres, est de ne produire que de l’hydrogène vert, alors que le plan de relance hydrogène ne semble pas accorder de fonds aux énergies renouvelables, qui permettent la production d’hydrogène vert.

Répondre à ces défis économiques et écologiques permettra la concrétisation des promesses de la filière de l’hydrogène, même s’il faudra dans un même temps lever les objections quant à la réponse aux exigences de vitesse.

Auteurs : Thibault Palloix (Senior Manager), Lucile Boyer-Nardon (Consultante Energie)