Il est courant d’entendre que les OKRs sont un outil (ou processus, ou framework) simple, défini uniquement par les composants « Objectifs » et « Résultats Clés » et un processus de réalisation en quatre étapes appelé « Cycle OKR ». Définition simplifiée par nécessité marketing ou par manque de connaissance du sujet, cette vision n’affiche que la partie émergée de l’iceberg en ne présentant qu’une partie du savoir-faire des OKRs et en occultant le savoir-être et la Culture d’entreprise indispensable pour envisager d’obtenir des résultats exceptionnels.

Il est vrai que des bénéfices très importants peuvent être obtenus grâce aux OKRs. Les success stories s’accumulent ces dernières années, aussi bien dans des start-ups que dans de grandes entreprises.

Si vous vous limitez à définir des objectifs avec résultats clés et suivre les quatre étapes du processus, il y a peu de chances que les OKRs aient des effets bénéfiques pour votre entreprise.

Nous vous proposons trois articles basés sur notre compréhension et connaissance de la théorie de John Doerr, les success stories et études de cas partagées sur internet ou dans des ouvrages, ainsi que nos retours d’expériences pour synthétiser et vous faire comprendre toute la complexité des OKRs.

Les origines

Origines des OKR

 

En 1954, Peter Drucker[1] a écrit un ouvrage[2] dans lequel il théorise le management par objectifs composé de cinq étapes :

  1. Définir les objectifs stratégiques de l’organisation
  2. Les cascader et définir les objectifs au niveau opérationnel liés aux objectifs stratégiques
  3. Suivre la progression des objectifs
  4. Faire le bilan et évaluer la performance atteinte
  5. Récompenser la performance

Visionnaire par ce type de management, il anticipe la gestion stratégique et de l’humain dans les entreprises constitués de « knowledge workers ».

À partir de 1968, Andrew Grove[3] concrétise cette théorie chez Intel en généralisant son usage à tous les collaborateurs de l’entreprise. Les OKRs ont fait le succès d’Intel, notamment au cours de l’année 80 où des objectifs stratégiques regroupés sous l’appellation « Operation Crush » ont permis à Intel de mettre un coup décisif à la concurrence de Motorola et obtenir le monopole du marché des microprocesseurs pour plusieurs années.

John Doerr découvre les OKRs à son arrivée chez Intel et les expérimentera pendant plusieurs années en tant qu’employé. En 1980, il rejoint la société Kleiner Perkins qui investit dans des start-ups. Convaincu par l’efficacité des OKRs, John Doerr proposera à un grand nombre de dirigeants de les utiliser (Google, The Gates Foundation, Bono, Nuna, MyFitnessPal, Zume, Lumeris…) et obtiendra beaucoup de succès. Il publiera en 2017 « Measure What Matters »[4] qui déclenchera une adoption massive des OKRs.

 

 

Focus sur le management des knowledge workers

Il est important de s’attarder sur ce point afin de comprendre les enjeux et besoins en termes d’organisation, de gestion et d’interactions des individus dans les entreprises d’aujourd’hui car les OKRs en sont une des réponses possibles.

En 1957, Peter Drucker a affirmé que « l’actif le plus valorisable d’une organisation sera ses travailleurs intellectuels et leur productivité ».

Les knowledge workers (travailleurs intellectuels ou travailleurs de la connaissance) sont de plus en plus présents au sein des entreprises dans un monde qui se digitalise. Contrairement aux manual workers (travailleurs manuels), leur performance n’est pas motivée par la rémunération. Au contraire, tenter de stimuler la performance des knowledge workers en la corrélant directement à la rémunération peut avoir l’effet inverse et faire baisser leur productivité.

Pour stimuler leur performance, les knowledge workers ont besoin de :

  • « But » : du sens dans leur travail et leur quotidien et comprendre leur contribution
  • « Maîtrise » : disposer des compétences et de moyens pour répondre à ce qui leur est demandé.
  • « Autonomie » : ressentir qu’ils ont le contrôle sur ce qu’ils font, qu’ils sont responsabilisés et que leurs propositions sont écoutées plutôt que d’être sous contrôle.
La motivation des "knowledge workers"

Ces fondamentaux définis, le management par objectifs va permettre de concrétiser la coordination des knowledge workers en établissant un contexte de travail favorable à ces leviers de motivation pour la productivité. Les OKRs sont une façon de déployer le management par objectifs en utilisant des outils et pratiques obligatoires, et d’autres éléments optionnels permettant de s’adapter à la spécificité de chaque organisation et des humains qui la composent.

La définition des OKRs de John Doerr

 

« Une méthodologie de gestion qui permet de s’assurer que l’entreprise concentre ses efforts sur les mêmes problèmes importants dans toute l’organisation »

Les OKRs, sigle signifiant Objectives and Key Results (Objectifs et Résultats Clés), sont un protocole collaboratif de définition d’objectifs pour les entreprises, les équipes et les individus. Les OKRs ne sont pas une solution miracle et ne peuvent se substituer à un leadership fort, faire preuve de discernement et d’un bon jugement, et un environnement de travail avec une culture de la créativité et de l’innovation. Si ces fondamentaux sont réunis, les OKRs vont vous permettre d’atteindre des sommets !

Un « Objectif » correspond au « QUOI » de ce qui doit être atteint. Par définition, les objectifs sont importants, concrets, orientés Action et idéalement inspirants.

Un « Résultat Clé » permet d’évaluer et suivre « COMMENT » l’objectif est atteint. Pour être efficace, les résultats clés doivent être spécifiques, limités temporellement et agressifs tout en restant réalistes.

Les « super pouvoirs » des OKR

 

Les OKRs correctement utilisés et déployés au sein d’une entreprise vont avoir un impact considérable.

John Doerr leur attribue quatre super-pouvoirs qui synthétisent les gains potentiels.

  1. Focus and commit to priorities (Se concentrer et s’engager sur les priorités)

Les organisations qui atteignent un haut niveau de performance y parviennent en travaillant sur ce qui est important, et savent clairement ce qui compte pour l’atteindre. Les OKRs vont inciter les leaders à faire des choix difficiles en se concentrant sur 3 à 5 objectives et 3 à 5 key results, pas plus ! Ils vont également permettre d’améliorer la communication entre les départements, les équipes et les individus. Enfin, en se concentrant sur ce qui est essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise, les équipes et individus vont éviter la confusion et de se disperser dans leur quotidien.

  1. Align and Connect for Teamwork (Aligner et connecter pour le travail en équipe)

La transparence est une des composantes fondamentales dans la mise en œuvre des OKRs. Les objectifs de tous les individus sont partagés ouvertement. Les employés sont en mesure de connecter leurs objectifs individuels et collectifs avec les objectifs stratégiques de l’entreprise. Les département et équipes peuvent identifier les dépendances transverses et se coordonner plus efficacement, apportant plus de collaboration aussi bien verticale qu’horizontale. Ainsi, les niveaux stratégiques et opérationnels sont connectés, permettant de donner du sens dans le travail et les réalisations de chaque individu. Associé à une responsabilisation forte, l’engagement et la motivation de chacun sont fortement stimulés.

  1. Track for Accountability (Suivi de la responsabilité)

Le suivi des OKRs est réalisé très régulièrement avec objectivité et un esprit de non jugement. Cette fréquence élevée associée à l’utilisation de données mesurables permet d’évaluer précisément l’avancement et de réagir face à des Key Results en mauvaise voie.

  1. Stretch for amazing (Etirer/tendre pour l’incroyable/extraordinaire)

Les OKRs poussent à l’excellence et à dépasser nos limites. Le droit à l’erreur amène à tester les limites collectives et individuelles libérant ainsi la créativité.

Pour fonctionner correctement, ces super-pouvoirs ont besoin d’un Continuous Performance Management basé sur les CFR (Conversations, Feedback, Recognition). Ainsi, les OKRs vont faciliter et accélérer l’adoption d’une culture du changement, de la collaboration et de la performance.

 

Dans notre prochain article, nous aborderons en détail ce que sont les OKRs afin d’en saisir toute leur complexité d’implémentation et d’exécution.

Références :

[1] Peter Drucker, surnommé le « Pape du management » https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Drucker

[2] The Practice Of Management (en français, La pratique de la direction des entreprises)

[3] Andrew Grove chez Intel https://en.wikipedia.org/wiki/Andrew_Grove#Helping_start-up_Intel

[4] « Mesurez ce qui compte : Comment Google, Bono et la fondation Gates ont révolutionné le monde grâce à la méthode OKR », de John Doerr, préface de Larry Page (traduction par Marianne Bouvier)